Nathalie Kosciusko-Morizet : un regard de femme tourné vers l’avenir
UN REGARD DE FEMME à l’aube du XXIème siècle
Nathalie Kosciusko-Morizet, très médiatique Secrétaire d’Etat à la Prospective et au Développement de l’Économie Numérique, nous reçoit loin du clinquant des ministères, dans sa mairie de Longjumeau, où elle a ouvert de nombreux et ambitieux chantiers, avec une équipe jeune et multiculturelle.
> Un parcours atypique en politique
Mme Kosciusko-Morizet aurait pu paraître prédestinée à une carrière politique, dans la lignée de son père toujours maire de Sèvres. Pourtant, elle a choisi de suivre un parcours scientifique, et elle obtient un diplôme d’ingénieur de la très prestigieuse Ecole Polytechnique. Elle nous explique que “la voie scientifique est celle qui laisse le plus de portes ouvertes. Les possibilités de carrières sont multiples, on jouit finalement de pas mal de liberté dans les choix d’évolutions”. Pour elle surtout, “le cursus d’ingénieur apporte plus que des compétences techniques, il distille une véritable formation, qui structure les individus”.
Jeune diplômée, elle a rapidement l’opportunité de faire partie des premiers à travailler sur les questions de fiscalité environnementale, et elle développe rapidement, en véritable pionnière, une expertise reconnue sur ces sujets devenus cruciaux. Madame le Maire nous confie : “J’ai été amenée à faire de nombreuses propositions, ces travaux ont finalement été ma porte d’entrée en politique, un milieu que j’ai donc découvert sur le tard”.
La sphère politique ne fait pas exception, être une femme n’est pas un avantage pour percer, et pour exercer des responsabilités réelles. Mais Nathalie Kosciusko-Morizet fait avec : “J’ai toujours évolué dans des milieux fermés aux femmes. Et le mécanisme s’entretient tout seul, par conformisme : les hommes reproduisent les comportements de leurs aînés, et les femmes anticipent le rejet, n’osent pas modifier les comportements. En politique, c’est encore plus vrai, tant les arbitrages personnels entre 25 et 40 ans –les maternités en particulier- sont un coup de frein à la progression”.
On pourrait penser que les lois sur la parité ont fait évoluer les choses. Il n’en est rien :
“Malgré l’augmentation du nombre d’élues, le nombre de femmes exerçant de réelles responsabilités reste très réduit”.
> De la responsabilité de l’électeur de faire changer les choses
Face à un constat aussi édifiant, nous demandons à Mme le Maire ce qui peut être entrepris pour faire changer les choses. Elle a un avis précis sur la question : “C’est avant tout la responsabilité des électeurs. On reproche souvent à la politique de toujours recycler les mêmes têtes, élection après élection, voire décennie après décennie. Mais si ce sont toujours les mêmes, c’est qu’ils sont toujours élus ! L’électeur doit faire passer ses messages à l’occasion des scrutins, c’est à lui d’agir s’il veut voir plus de jeunes et de plus de femmes aux responsabilités locales, et nationales”.
> Une équipe jeune et dynamique
Au niveau de sa mairie, en tout cas, Mme Kosciusko-Morizet met ses idées en pratique, en composant une équipe féminisée, jeune, et multiculturelle. “Mon adjointe aux affaires scolaires a 24 ans, c’est la fille d’un boucher de Longjumeau. Au début les gens étaient surpris, car « elle n’avait même pas d’enfants !» (NDLR sourire). Et puis elle s’est imposée, à force de travail et d’implication, elle a fait ses preuves”. Dans la même veine, la fonction d’adjointe à la voirie et aux travaux, fonction ô combien masculine, a été confiée à une mère au foyer. Accueillie avec pas mal de circonspection, elle a réussi à imposer sa présence au quotidien sur les chantiers, avec le bon sens pratique de l’usager.
> L’ancrage local comme source d’inspiration
Madame le Maire est très attachée à ses fonctions d’élue locale. Cela peut surprendre, quand on sait qu’elle est aussi Secrétaire d’Etat. Mais pour elle, c’est essentiel : “L’ancrage local est indispensable. D’abord pour une question de légitimité. On ne peut pas prétendre à des responsabilités au niveau national, sans être élu local, car c’est au niveau local qu’on trouve les meilleures idées. Il faut être confronté à la diversité des situations sociales pour être audible et crédible au niveau national”. La conviction est palpable, et Mme Kosciusko-Morizet nous donne quelques exemples des actions entreprises depuis 2008 : “La démarche participative que nous avons instaurée avec les conseils de quartier a permis d’adapter les actions aux besoins réels. À ce titre, la rénovation des barres HLM de Longjumeau a été négociée avec les bailleurs sociaux,
ces derniers finançant la rénovation des habitations, alors que la Mairie finance les aménagements des espaces publics”.
C’est aussi à l’occasion de permanences parlementaires qu’elle a réalisé combien les agios pouvaient pénaliser certains ménages en difficulté. A suivi une proposition de loi visant à plafonner les frais bancaires.
Autre axe majeur mis en avant par l’ex-secrétaire d’Etat à l’écologie : une politique de développement durable qui s’adresse à tous : thermographie pour la réduction des pertes énergétiques, verger pédagogique, jardins ouvriers…
> Pas une question de justice, mais d’efficacité
Nous concluons l’entrevue en demandant à Mme le Maire ses conseils aux étudiantes pour se lancer dans la vie politique :
“Commencer tôt et ne pas se laisser intimider”. Et Mme le Maire ouvre le débat plus largement sur la place des femmes dans l’entreprise. Elle nous conseille la lecture de “Why Women mean business ?” (NDLR chez Eyrolles), un ouvrage qui détaille pourquoi les entreprises leader de demain seront celles qui auront su se «féminiser». Partant du constat que les femmes sont prescripteurs sur 80% des achats des ménages, et qu’elles représentent 60% des diplômés du supérieur en Europe et en Amérique du Nord, l’auteur démontre également que faciliter la vie des femmes au travail augmente le taux de natalité, et donc la croissance, et que les entreprises ayant des dirigeantEs ont de meilleures rentabilités que les autres.
Mme Kosciusko-Morizet de conclure : “La présence des femmes dans les exécutifs politiques et parmi les instances dirigeantes des entreprises n’est pas une question de justice, mais d’efficacit’. Une bonne raison d’être optimiste !”.
Entretien réalisé par Hervé GIRAUD et Eric GOURDOUX pour COOLTURE – Crédits photos © Ville de Longjumeau 2009